Et si le temps n’existait que grâce aux repères que l’on lui fixait ?
Et si nous pouvions organiser nos vies sans ces petites aiguilles ?
Et si notre mémoire pouvait retenir les évènements marquants de notre vie sans y associer une notion de temps, de durée ?...
Notre plus ancien repère sans aiguilles pourrait être le 1er avril 2014, partis au sac à dos, puis le 1er avril 2015, partis à vélo.
Depuis, nous sommes sur les routes.
Depuis, est née notre première fille, Maëly खुसी, dans le sud du Népal.
Depuis, est née notre deuxième fille, Naomi Quillasisa, dans le nord du Pérou.
Depuis, nous avons passés notre premier tour de planète à vélo, 40 075 kilomètres.
Depuis, notre carte bancaire a expiré et le voyage se réinvente...
Et puis... le temps s’est comme figé...
Il ne nous a pas paru à l’arrêt, mais nettement, très nettement ralenti...
La faute tout d’abord à une maladie qui s’est invitée dans notre petite famille. Une fatigue violente, immense et profonde, anéantissant tous nos coups de pedale...
La science pense avoir trouvé la faille, un virus, et l’a nommé « hépatite A ».
La science pense donc que c’est notre foie qui se fait attaquer.
Le Chaman du village, dans lequel nous nous sommes arrêtés pour nous remettre sur pied, travaille lui, sur notre pancréas.
Pour couper court à tout imaginaire pré-mâché, nous tenons à préciser ici, que notre Chaman n’avait ni grande robe, ni plume sur la tête... au contraire, il paraissait bien plus moderne que nous, avec sa montre et son smartphone... un peu comme si le temps qui passe avait pour lui une grande importance...
La science, elle, ne possède pas de remèdes pour soigner cette maladie.
Le Chaman, lui, a essayé. Avec ce qu’il pouvait bien sûr, avec ce qu’il lui restait bien sûr... il faut bien avouer que la société moderne, la religion et surtout, la science, auront tout fait pour éradiquer les savoirs accumulés, échanger, transmis, pendant des milliers d’années par ce type de personnages...
Point positif, et contrairement à la science, le Chaman, lui, n’aura pas essayé de nous soutirer de sous...
Point positif numéro 2, et c’est la science qui le dit elle même... contrairement au vaccin qu’aurait pu nous apporter la science, l’immunité naturelle que nous avons développés face à cette maladie nous protégera à vie ! A nous la liberté...
Et puis, comme si le temps ne voulait pas redémarrer tout de suite, nous nous sommes rapprochés de la frontière bolivienne...
Quelle histoire ! Jamais il ne nous aura paru tant difficile de passer une frontière...
De l’aveu même du Directeur du Ministère des Affaires Étrangères de Puno au Perou... « Il serait tout de même plus raisonnable de vous rendre en Bolivie par avion, un simple test PCR et le tour est joué ».
Quelle tristesse ! Encore une fois la notion de liberté en voyage à vélo nous aura paru toute relative...
Plusieurs semaines se seront écoulés afin d’obtenir ce fameux « ofició de migración » nous permettant de sortir du Pérou par voie terrestre.
Plusieurs heures se seront écoulés, afin que la frontière bolivienne, officiellement ouverte selon le décret 4410, ne nous autorise, légalement, à entrer sur le territoire de Bolivie...
Ce fut long, très long...
Heureusement, et comme souvent, le hasard ou le destin, encore une fois c’est selon, nous aura conduit à la bonne porte.
Ce long temps d’attente nous l’aurons passé aux côtés de Padre Vicente, un moine franciscain plutôt déluré et franchement génial ! De religion nous n’aurons pas discuté... comme il le dit si bien, mieux vaut savoir parfois éviter les sujets qui fâchent.
Padre Vicente est la joie et la bonne humeur d’une maison d’accueil pour migrants, Vénézuéliens dans l’immense majorité, par les temps qui courent.
Entre autres petites blagues, bons mots et précisions historiques, Padre Vicente est passionné par les plantes nourricières et par la terre... voilà un joli terrain d’entente pour les semaines que nous avions à patienter !
Nous participerons avec envie, plaisir et acharnement à la construction d’une immense serre potagère avec pour objectif complètement loufoque d’acclimater des espèces tropicales sur l’altiplano, à 4000m d’altitude, avec des températures qui descendent parfois à -15°C...
Des clous, un marteau, des pioches, des pelles et des idées, Merci Padre Vicente !
Quelle joie ! Encore une fois, le voyage nous aura amené à cette réflexion... « heureusement, il y aura toujours des fous pour égayer le monde dans le lequel s’est enfermé l’animal humain »
Nous sommes désormais en Bolivie.
Une bifurcation, un dernier col au dessus de 4500m et nous allons rejoindre l’Amazonie.
Après bientôt de deux ans à travers les montagnes andines, nous avons désormais envie de chaleur, de moustiques, de fruits frais et de ... laissons l’avenir nous le faire découvrir !
Toujours sans montre, smartphone ou gps, nous allons ainsi continuer de fabriquer notre temps à coup de pédale et d’évènements marquants...